Les billets de Joseph

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Peau dure, peau douce, Police !

 

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La "base" policière envahit nos rues, à la nuit tombée, de noir vêtue, masquée, chantant une virile marseillaise, et pas seulement dans la capitale. Cette fameuse "base" fut de toutes les solutions d'un candidat devenu président, qui à la moindre question sociale ou sociétale répondait: Police ! De même, elle fut la seule réponse de son successeur aux attentats, au nom de l'urgence, de l'ordre... de l’État ou de sa réélection... on ne sait plus trop dans ce trouble quinquennat crépusculaire. Il est bien légitime d'interroger cette irruption des forces de l'ordre de l'autre coté de la barrière Vauban et de la matraque, ce basculement du coté obscur des manifestants, y compris dans leurs moyens et slogans, cela en effet ne cesse de surprendre.

Interrogeons-le ce mouvement, à leur manière, le bon et le méchant, comme le duo d'inspecteurs standard devant le gauchiste en garde à vue. Bon prince, je lui éviterai le siège bancal, le dépôt puant avec son ambiance interlope, ses sandwiches pires que ceux de la SNCF et de l'autoroute réunis, tout en lui épargnant l'arrestation, avec lacrymos, taser ou flashball, coups divers avec les bracelets en plastique qui coupent la circulation sanguine et lacèrent l'épiderme, ou l’étouffement pur et simple pour vous neutraliser, voire, vous euthanasier ou vous électrifier à l'insu de leur plein gré.

Certes, le libertaire moyen aura toujours un peu de mal à croire en la nécessité absolue de la police, puisque il est, sauf exceptions, un autogestionnaire convaincu et avéré, respectueux de la dignité et de la liberté de ses contemporains. Il croisera donc les bleus pour un contrôle d’alcoolémie, de vitesse, ou même d’identité ( 7 fois + si sa peau n’est pas blanche), pendant lesquels, il ne sait pas pourquoi mais il aura toujours l’impression qu’il est regardé comme un coupable multirécidiviste par la maréchaussée. Sans compter les fois où il manifeste en toute légalité mais est victime de la technique de l’entonnoir, ou il sera photographié après avoir eu sa partie de manif isolée puis encerclée et donc fichée, sans ménagement par les condés. Sans parler d’autres rencontres possibles, ou il se prendra la violence policière en pleine tronche au prétexte que d’autres ultra minoritaires cassent des vitrines ou des banques. L’anarchiste, c’est vrai, cale un peu sur la nécessaire existence policée, puisque à priori sans pouvoir, ni propriété ou armes, pas de répression utile, bien qu’en cherchant bien, à l’aune des 30 000 ans d’histoire depuis que le cueilleur est devenu chasseur puis commerçant, il y aurait toujours quelques avides pour empiéter sur les plates-bandes des autres par la manière forte, loi de la jungle définitivement dommageable à l’espèce humaine.

Mais reprenons, sans autorisation donc, entre chien et loup, les policiers «de terrain» ont donc employé cette même technique revendicative durement  réprimée par eux dans l'exercice de leurs fonctions. Ils déplorent une hiérarchie cynique obsédée par le chiffre et le contrôle, le manque d'effectif, le manque de moyens, et le manque de respect des délinquants à leur égard. J'ai juste envie de leur dire que dans une majorité d'entreprises ou de services publics, le salarié lambda vit strictement les mêmes choses, et effectivement lorsqu'il lui arrive de côtoyer la délinquance, dans ou hors contexte professionnel, il se sent aussi en danger, y compris létal, curieux, non ? L'employé policier ignore donc le quotidien de notre vie, puisque lorsque l'on se mobilise pour un monde un peu meilleur, sans domination hiérarchique, sans aliénation économique, pour simplement mieux vivre, qui trouvons-nous alors en face de nous : la même base policière, qui perd alors curieusement toute sensibilité à l'égard d'humains, victimes comme eux, des mêmes gestionnaires libéraux.

Pour espérer un soutien ne serait-ce que verbal de cette corporation, il sera inutile d'ajouter une quelconque plus-value à votre revendication en se projetant un peu trop loin dans le futur ou l’intellect, les policiers en colère demandent tout et tout de suite, Rémi Fraisse n'avait sans doute pas compris une telle urgence, levant les mains et appelant au calme, sans doute trop symbolique la non violence, sans doute trop loin le respect de l'environnement. Eux seraient bien dans le concret, le cash, si bien relayé par nos médias normatifs, pour qui le prolétaire cégétiste est toujours dans l'excès, mais le flic hors-la-loi, non. L'instinct policier est pourtant un peu défaillant, sur les nerfs, hein, puisque pendant une semaine, ils se sont faits représenter par un militant Front National, même pas policier, simple  employé de supermarché (et pas comme vigile). De même, dans l'Essonne, ils se sont faits doubler par un officier pour constituer une délégation reçue par le préfet, ne riez pas, faites gaffe à l'outrage.
Bon, à leur décharge, ils ont fait exploser les mots d'ordre syndicaux dangereux d'Alliance pour aller manifester devant les tribunaux, tellement plus facile de désigner un bouc émissaire qu'un responsable pour ne s'en prendre qu'à ses coreligionnaires des pouvoirs régaliens, encore plus déshabillés qu'eux.

Et pourtant, ils ont gagné, le politique leur a tout promis, y compris un permis de tuer semblable à celui des militaires. Un conseil: achetez un gilet pare-balles à vos jeunes.
Depuis la fin des trente glorieuses avec l’avènement du libéralisme, la France qui a peur est entrée dans les journaux télévisés, puis partout. Le politique a mis volontairement les faits divers en une dans le débat public, ce qui  fait monter cette fameuse  peur, mais aussi toutes les haines fascistes et racistes. Le politicien gouvernant oublie ainsi son renoncement à se mêler d'économie ou de réelle démocratie, au prix de grands désordres sociaux et d'inégalités croissantes, pour laisser en plan le chantier du  partage des richesses et mieux faire croitre le nombre de milliardaires, mais en remplaçant tout cela par un seul slogan: De l'ordre ! Le terrorisme mortifère fut la cerise sur un gâteau déjà bien rance.
Les prolétaires chargés du maintien de cet ordre injuste ont enfin compris qu'ils pouvaient tirer leur épingle à ce jeu, contre toute attente, après avoir réprimé les manifestants contre la loi travail, contre les réformes des retraites ou de la sécu,  ceux contre la casse de l’hôpital ou de l'école, et fait lever par la force un nombre considérable de piquets de grèves ou bien permis à des patrons voyous de déménager les outils de production chez pas cher, au mépris des néo chômeurs privés d'usine ou de bureau.

Les servants  du pouvoir sont donc récompensés à hauteur des services rendus, quoi de plus logique. Les fils du corporatisme policier déjà bien serrés vont gagner en étanchéité. Le policier aura donc l'assurance d'être protégé des ravages de la casse des services publics et du bien commun, donc haï et craint encore un peu plus, sort de toutes les élites auto proclamées. Il sera bientôt avec le militaire, le seul fonctionnaire dont le statut n'aura pas disparu, et continuera reconnaissant, de mieux protéger les rues du 16ème arrondissement que celles des quartiers, comme lui intime le politique depuis toujours, chassant le délinquant pauvre avec efficacité, mais le délinquant financier avec parcimonie, châtiant les lampistes pour mieux épargner les mafieux, ces capitalistes sans lois, parfois si proches des politiciens comme à Corbeil-Essonnes, qui prudents, ne jetteront jamais un cocktail Molotov dans une voiture de police, mais trouveront un fils du ghetto pour le faire, sauvant ainsi leurs juteux bénéfices, et avec eux, le récit perpétuel et vain de la volonté d'ordre des politiciens, responsables mais jamais coupables.



01/11/2016
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