Les billets de Joseph

Les billets de Joseph

Come-back

Je me suis réveillé tôt. La petite maison de vacances est silencieuse, le ronflement léger du rez de chaussée ne couvre pas le roulement assourdi des vagues s’écrasant sur la plage, l’omniprésent acouphène atlantique. Le velux entrouvert laisse passer un air étonnamment frais pour ce jour de canicule nationale. L’envie de voir de l’océan me fait quitter le lit.

 

Pieds nus sur la terrasse avec vue sur un charmant jardinet, je lape mon thé à petites gorgées sans me presser. Le ciel est gris, la pluie ayant laissé sur son passage des petits tas d’épines de pin et de sable, çà et là, parsemés de brins d’herbe rares et jaunis.

 

Je fais un sort à la brioche comme pour préparer ma future excuse d’être allé chercher des croissants, j’ai un océan à voir tout de suite, moi, le reste ne compte donc plus. Je sors. La rue est déserte, j’arrive au croisement, j’opte pour la plage, direct, le -faux- boulanger attendra. Tous les commerces sont fermés, on se croirait hors-saison ou un samedi-Gilets jaunes. Une légère entrée maritime balance doucement le panneau du resto vantant ses moules AOC de Normandie (!).

 

J’arrive en haut de la dune. Un tracteur et un gonze avec un détecteur de métaux occupent la grève, l’un ratisse la plage pour qu’elle soit propre et plate, l’autre ratisse une hypothétique fortune -mais ce n’est pas encore la ruée vers l’or-. La machine trace des lignes bien droites pendant que l’homme la contrarie en zigzaguant de gauche à droite avec sa ridicule pelle à tarte électrique. L’horizon est barré par une brume si serrée que je ne vois pas la barrière d’écume ou apparaitraient d’improbables surfeurs matinaux.

 

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Les deux premiers arrivent d’ailleurs sur le promontoire, leurs yeux bleus cherchant la vague du mois et ne la trouvant pas. Dépités ils discutent entre eux, à mots comptés, de la nécessité d’être sortis du lit pour si peu après la méga chouille d’hier soir. L’un caché dans son sweet à capuche hawaïen, l’autre torse nu, bronzé et musclé à la perfection, beau comme une statue de champion du monde -le rêve normalisé-. Ils repartent en trainant leurs tongues, les talons à côté de leurs pompes.

 

Je suis zen, l’effet mer dure.

 

 Les coaches en bien-être peuvent toujours s’aligner pour concurrencer le flux et le reflux, gratuits, pas comme eux, sans fioritures, pas comme eux, vrais, pas comme eux. Bon, je ne vais pas me mettre en tension, j’éloigne vite mes pensées négatives, et laisse donc le cadavre de Steve tremper, rejoindre le sort de ceux de méditerranée, ma haine de l’ordre injuste retomber en pression et remets illico mes envies de casser du flic ou du ministre à plus tard. C’est ma petite trêve à moi, non mais, laissez-moi !

 

Et voilà les premières familles d’estivants, suréquipées pour l’aventure plagiste, le temps s’est un peu éclairci mais à peine, je ne suis plus seul, dommage. Je vois le sourire des enfants disparaitre en arrivant, ne plus écouter leurs parents promettre le beau temps ou d’aller faire les courses pour patienter. Ça s’agglutine sur la dune mais le temps se dégrade à nouveau, certains descendent, d’autres font demi-tour, la plupart, comme floués par la promesse de canicule globalisée, médiatique et parisienne. Le drapeau rouge hissé par les sauveteurs achève toutes les dernières velléités estivales.

 

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Je fuis et me promets un été en pente douce. Il est neuf heures, Hourtin Plage s’éveille. Sans aucun croissant à la main, j’ai déjà oublié mon projet de mensonge, je rentre. Morne ambiance, aucun n’est levé, feignasses ! Comme les rayons du soleil, ce sera seulement pour dix heures. M’en fous ! J’ai retrouvé l’envie d’écrire, un instant. Un petit plaisir sans prétention. Comme c’est encore autorisé, j’use de cette liberté, la lune de ma mer de tranquillité.

 



07/08/2019
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