Les billets de Joseph

Les billets de Joseph

Autocritique

Une société qu'on exècre, mais anxiogène, qui nous contraint à jouer le jeu pour simplement vivre et rester la tête hors de l'eau. Et dès le début, dès que nous quittons Môman et Pôpa, même avant, souvent.

Ne pas tomber, surtout ne pas tomber, rester dans ce train infernal, sauver les siens aussi, ce qui vaut dire aussi, ici et maintenant, sauver ses biens (eh oui…), et se sauver d'abord, puis quand c'est à peu près sûr et construit, même qu’on croit être un peu en marge du système, cela ne l’est pas vraiment, mais bon, notre statut social et notre taux journalier de soucis mineurs nous feraient bien croire le contraire, mais on dépend toujours de la machine. Nous en avons a tellement eu envie, d’être peinards, heureux, de presque souhaiter l’ennui à la place de l’angoisse.

Donc, ensuite, on essaie de sauver ce monde, ou le plus de monde possible, en essayant d'agréger ou de s'agréger à des causes, même avec beaucoup trop de concessions, là aussi nous avons oublié de négocier notre force de vente, en s'accoquinant même avec des sortes de gourous, avides de pouvoir, machiavéliques à la petite semaine, théorisant des idées généreuses pour mieux asservir notre bonne volonté naïve, et réorienter nos aspirations légitimes vers l’exercice de leur pouvoir absolu, à l’insu de notre plein gré. La fin justifiant toujours les moyens, nous nous sommes laissés aller pour certains, à faire des choses stupides, voire odieuses, pour ne pas dire dégueulasses. Le miroir de nos valeurs se fissure quand nous nous regardons trop dedans.

 

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Puis un jour, nous nous apercevons que l'on s'est fait avoir par Babylone, qu'il fallait y aller tout de suite, et ne pas attendre d'être prêt. D'être prêt à quoi, d'ailleurs ? A être sur de gagner...Ah merde, nous nous  sommes abaissés à cela aussi, à reproduire le faux risque de la puissance de l'argent, mais sans la force, ni le pognon. Ramasser sans se baisser, ca n'existe pas pour les petits, il fallait faire cet effort, ce sacrifice, mais on a voulu sauver notre vie ou plutôt ne pas miser toute notre peau, se garder un peu de plaisirs. Toute ridée maintenant elle est, on l’a sauvée, mais on a rien changé. Les lendemains, il n'en reste plus beaucoup pour les faire chanter, le temps presse et il n’est pas en train de changer. Alors impuissants, affaiblis dans notre corps et notre tête, on exprime notre rage, décuplée de frustration, on va toujours aux manifs, on signe et on file du fric, mais nous serions tentés de jeter aux orties notre passé perdu et grillé dans tant de défaites et si peu de toutes petites victoires.

 

La jeunesse nous regarde mi amusée, mi coléreuse, comme de vieux sympathiques acariâtres radotant leurs utopies, elle nous reproche notre immobilisme, notre inconséquence et cette terre plus saccagée en un siècle que sur l’ensemble de l’histoire de l’humanité, elle nous reproche juste la défaite définitive de nos durs combats perdus. Cette jeunesse tente de se construire un monde à elle, que nous ne comprenons pas, mais qui semble rejouer la même comédie que la nôtre. Un autre film, je ne leur souhaite pas la même fin, putain, non, pas notre fin de faim d’utopie. Car nous n’avons pas agi comme il le fallait, et je ne sais toujours pas –plus ?-ce qu’il faudrait faire, en fait. Ceux qui ont trouvé sont passés de l’autre coté, les traîtres.

 

 

Publié initialement sur médiapart le 21/06/2014



23/05/2016
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