La ballade des noyés
Frères européens qui de nous voir, tremblez
Comme nous, avant de sombrer
N’ayez pas peur de venir nous aider
Perdus en mer Méditerranée
Non loin de vos plages de vacanciers
De ces paysages qu’avant, vous photographiez
De vos parasols, de vos hôtels et de votre soleil
Nous n’avons plus pied et ne savons nager
Pourtant vos sauveteurs ne bougent plus un orteil
Cherchez votre humanité, retrouvez votre dignité !
Vous qui chérissez vos nations et vos frontières
Et avez décidé des nôtres par vos guerres
Vos avions et parfois vos soldats sont revenus
Détruire nos pays, déjà martyrisés, anciens ou à peine nés,
Pourquoi donc nous avoir remis ainsi à nu
Surtout visés ceux qui étaient les moins dévoués
Les insoumis, c’est sûr n’étaient pas des démocraties
États policiers, oppression, torture et arbitraire mêlés
Avec les écoles, les hôpitaux, l’eau et l’électricité aussi
Cherchez votre humanité, retrouvez votre dignité !
Par intérêt économique, misant sur votre cynisme prospère
Comme seul argument démocratique, les armes et l’argent
Quitte à inventer des diables religieux, devenus délétères
Échappés de vos affidés, apprentis sorciers incompétents
Vous avez donc détruit des équilibres subtils et séculaires
Et par là-même rendu inutiles vos et nos frontières
Vous nous avez réduits à la mort et la misère
Nous obligeant à quitter de probables cimetières
Pour migrer vers d’autres possibles chimères
Cherchez votre humanité, retrouvez votre dignité !
Nous sommes le prix de votre abjecte politique,
D’invisibles ombres rangées au statut de danger
Devenues sur les plages des cadavres à ranger
L’évidence du nombre ne permet plus l’ellipse démagogique
Sur les étendues salées, après avoir franchi les sablées
Nous parvenons au prix de lourdes pertes à enfin peser
Le poids de nos âmes plus faible que les images de nos corps
Encombrant l’arrière-cour de vos coffres forts
Par l’addition de victimes sans cesse renouvelée
Cherchez votre humanité, retrouvez votre dignité !
Qu’attendez-vous, pour tendre la main, Frères européens
Allez-vous vous remuer, ou continuer de vous emmurer sans fin
Assis sur votre bien-être matériel, construit sur notre faim
Dépensant le fruit multinational de vos pillages obscènes
Nous sommes l’inattendue mondialisation, celle du rien
Nos cadavres voyageurs enfin vous malmènent
Ces femmes, ces enfants engloutis bousculent vos certitudes aveugles
Combien en faudra-t-il pour que vos peuples beuglent
Peut-être plus que tout ce que votre libéralisme en a consommé
Cherchez votre humanité, retrouvez votre dignité !
Les passeurs brandis par vos gouvernants à bon compte
N’existent que par notre souffrance, issue de leur inconséquence
L’occident donneur d’ordre d’un banditisme d’escompte
Se retrouve avec nos squelettes sous son énorme panse
Nous sommes les fantômes opprimés de nos parents colonisés
Notre passage du styx océanique surprend au milieu des agapes
Gâchant la fête des banquiers siphonnant les biens de la communauté
Le spectacle si bien huilé, s’en trouve perturbé, désarçonnant même les papes
Nous étions votre pire cauchemar, l’absurde réalité de la pauvreté dissimulée
Cherchez votre humanité, retrouvez votre dignité !
Nous nous sommes levés, avons marché, le néant comme seul carburant
Quittant nos maisons et nos racines dévastées, notre complet dénuement
Le prix du billet est élevé, tellement trop dur est le chemin
Notre lent mouvement continuera, frères européens, il est ancien
Les éternels damnés de la terre reviennent par les hublots
Les vôtres de pauvres pourraient aussi se payer ce possible culot
Juste vivre et partager la modeste aisance à laquelle chacun aspire
Ils n’ont plus qu’à exiger, pas à nager, ni marcher ou même mourir
Il leur suffirait de se lever comme un seul homme émancipé et crier
Nous sommes l’humanité, nous voulons la dignité, comme nos frères, les noyés !
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