Les billets de Joseph

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Le traître grec, vu d’ici

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Avant, le grec n’était qu’une sorte d’être humain qui dansait et chantait tout le temps, habillé bizarrement de collants blancs avec de rouges pompons et une jupette ridicule, sirotant son ouzo et grignotant des feuilles de vignes dans un pays rempli de vieilles pierres et d’eaux turquoises transparentes, sans compter ses jolies brunes caractérielles.

La troïka est arrivée, il est alors devenu le plus grand dévoreur d’argent public que la terre ait connu, l’hédoniste professionnel au chômage, construisant sa maison sans autorisation ni crédit, ne payant jamais d’impôt, travaillant à peine, trop occupé à jouir du soleil et prendre du bon temps,  ses minuscules efforts se voyant récompensés par un temps de travail plus que partiel et la préretraite pour tout le monde, sauf les étudiants,  que les études à rallonge épargnaient l’embauche, préférant sucer des cailloux sous les oliviers que d’aller au chagrin en bon européen. Oubliés donc  les milliardaires, les militaires, et les vacances peu chères, il nous coûtait mais n’écoutait pas les bons conseils du père de famille du marché européen, qui le vilipendait, lui reprochant même son olympisme passé pour lui redonner le goût de l’effort.

Mis au régime sec, la réputation du grec n’eut guère changé pour ses bourreaux qui  le plongèrent dans la misère, sans vergogne, ni pitié. Il résista le bougre, peu à peu, fit connaitre son cri à ses voisins, en manifestations douces puis violentes, d’anarchistes emprisonnés en chanteur assassiné par les fascistes, de pugilats gréco-parlementaires en Athènes sur polluée,  de sécu détruite en biens nationaux bradés, sa souffrance fit jour,  il devint alors pour ses avocats, le peuple martyrisé, réprimé, celui qu’il fallait aider, l’emblème exemplaire que l’on nous sortait à chaque occasion pour nous montrer combien nous étions trompés, combien le doigt qui nous montrait la lune grecque possédait la vérité. Ses politiciens véreux ressemblaient tant aux nôtres, qui pourtant étaient leurs exacts clones qui donnaient des leçons d’économie, drastiques (pas drahistique, dommage,  le grec aurait pu emprunter  50 milliards facilement  sur sa bonne mine).

Vint fatalement le temps de l’élection, la victoire mémorable d’un jeune freluquet, sociable et sympa, écrasa les forces conservatrices, à la surprise générale, les bourreaux firent semblant d’être patients, les avocats firent semblant de crier victoire. Le freluquet se révéla fin politique, accompagné d’un économiste motorisé, mais pas par le capitalisme. Ils jouèrent la montre, négocièrent, pied à pied, reculant la sentence des bourreaux qui s’impatientaient. L’érection des gauchistes de tous poils au chevet du grec fut énorme, la Grèce devint le centre du monde des possibles, les sectes des entrants ou des sortants s’affrontèrent en moult hypothèses, tirant des plans sur cette comète éclairant la sombre nuit démocratique hexagonale, et taisant le naufrage politique dans lequel se trouvaient les bourreaux et les avocats, médusés,  tels les rescapés du radeau  tentant de se manger entre eux.

Le duo grec recula l’échéance bien au-delà du terme, convoquant même leur peuple à lutter contre les vautours et les rapaces, les avocats tricolores qui n’avaient jamais envisagé cela même dans leur plus grand fantasme, en furent tout chamboulés, bien sûr,  les premiers sceptiques et leurs variantes septiques ne manquèrent pas de siffler, le soufflet retomba, ce fut violent et sombre. Les duettistes divorcèrent, l’un au four surchauffé de la réalité, l’autre au moulin intellectuel tournant trop vite pour que nos bavards immobiles puissent réfléchir à froid, trop empressés de choisir leur poulain, entre café du commerce et PMU pour les théoriciens ou entre groupie et lyncheur pour les affectifs.

Le divorce fut consommé, le  premier grec resta dans le jeu électoral, trahit donc, le second grec passa chez les tribuns, n’ayant plus d’allemands (très méchants comme il se doit, la guerre gross malheur, tout ça, tout ça…) à ses trousses, il put même rendre visite au maître bourguignon du baratin et à tant d'autres qui ne demandaient qu’à repolir leur énorme vanité sans que cela ne leur coûte rien, leur rapporte même, comme d’hab. 

Le premier  grec fût donc le nouveau plus grand traitre que la terre ait connu , le second, le héros pour nos contempteurs du désastre, discuté quand même hein, car à part eux, nul n’est parfait de rectitude, mais toujours par procuration, bien calés devant l’écran.  Le pays hexagonal étant toujours immobile mais distordu  entre misères crasses et grandes fortunes, bloquant à Vintimille, ceux qu’un mois et demi  plus tard le premier d’entre nous  se félicitait d’accueillir virtuellement dans sa valse du mensonge permanent.

Mais le temps grec ne laissa aucun répit à tout ce joli monde, le traitre public n°1 emporta les urnes qu’il avait habilement préparées. Les devins qui prévoyaient une aube dorée sur la mer Égée en furent comme deux ronds de flan, mais par un prompt rétablissement dont ils ont le secret  ces grands félins de la dialectique transformèrent sa victoire en défaite, en n’oubliant pas de cracher sur ce peuple qu’ils adoraient une journée plus tôt, vénérant tout à coup les abstentionnistes, oui, leurs traitres nationaux attitrés d’avant, ces anciens  lâches qui en ne votant pas, votaient pour les nazis capitalistes, mais ça c’étaient bon pour la présidentielle franchouillarde, pas pour ces dégonflés d’Hellènes.  Les bourreaux étaient eux un chouia plus discrets, mais tout aussi surpris que nos chers avocats, ne sachant trop choisir sur quel pied danser, bien que le droit soit devenu nettement proéminent chez eux, pour nous botter le train il restera donc efficace.

 

Le traître grec, loin du pays de la vaine parole, assistant concrètement les naufragés des flux de réfugiés, lui, ne doit pas se douter des enjeux cocardiers que le moindre de ses mouvements suscite. Nos curés idéologues souhaitaient sans doute son sacrifice pour satisfaire leur soif d’avoir toujours raison, trouvant un coupable à leurs frustrations patriotiques, comme ils auraient savouré sa défaite pour la même raison.  Le peuple grec vit donc sa -dure- vie sans eux, incroyable non , ignorant les leçons de nos Robespierre et Saint-Just en herbe, dont la tête déjà coupée continue de pérorer et de donner des leçons au monde entier tout en ayant Hollande comme président,  après avoir eu Sarkozy  auparavant, et  une abstention bien supérieure à la grecque lors des dernières législatives partielles ou leurs candidats chéris se sont ramassés, comme tous les autres.

 

Sauf ce maudit traître grec, même si Tsipras se distingue particulièrement dans le retournement de veste,  in fine, se soumet au rouleau compresseur du mur de l'argent  européen , comme si de tout ce qui précède, absolument rien ne s'était passé. Sachez par exemple qu'il vient de faire adopter 7500 pages de lois imposées par les libéraux,... en 14 heures au “Parlement” grec, “en tenant compte aussi des textes connexes, cela nous fera environ 535 pages par heure"

 

Démocratie... ni ici, ni là-bas.

 

 

 



24/05/2016
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