Les billets de Joseph

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L’Europe s’excite

David Cameron pour rester premier ministre en 2015, et obtenir une majorité au parlement, avait besoin d’un apport en voix, sinon il était bien mal parti. Le UKIP pesait alors plus de 3 millions de voix sans aucun siège au parlement, il était la force montante, nationaliste et parangon du repli identitaire, composante commune de tous les électorats des pays européens. Cameron avait donc dragué l'électorat UKIP, et sans vergogne, promis un référendum sur la possibilité du Brexit. A court terme, ce fut une stratégie gagnante, les conservateurs emportèrent tranquillou les élections, laminant les libéraux, et muselant des travaillistes à peine remis du règne dévastateur du blairisme, le UKIP ne concrétisant pas sa montée en sièges parlementaires, le coup politicien était plus que parfait.

 

Après cette campagne cynique, ce grand benêt de David se mit donc en tête de défendre le non à son bébé qui criait pourtant oui à tous les anglais, allant même dire dans l’intervalle, aux écossais de ne pas voter leur indépendance pour ne pas sortir de l’Europe, ce qui ne manque pas de sel, aujourd’hui.

 

Nous voici dans le moyen terme, Camerounet a organisé et perdu son référendum qu’il avait promis à sa seule fin de politique intérieure, et sur ce coup de poker, conservé le pouvoir. Il démissionne aujourd’hui, pathétique, KO debout. Les bourses spéculent déjà sur la nouvelle réalité, les banques changent de voilure, car les crises politiques sont toujours recyclées utilement par les oligarchies financières, ce ne sont pas des perdreaux de l’année, quand même, Keep cool ! L’Angleterre, cinquième puissance mondiale, avec des petits cotés de paradis fiscal bien ancrés, ne semble pas risquer grand-chose tout de suite, et puis pour défaire les liens avec l’Europe, il va lui falloir un certain nombre d’années, oui, le thé sera quand même servi à cinq heures ce soir, ils continueront d’aller au pub, et les dimanches anglais seront toujours aussi chiants, rassurez-vous, ceci n’est pas une révolution.

Le long terme se profile, qu’est ce que l’on entrevoit, ben rien,  juste que Farage, le leader de UKIP dans ses premières déclarations, dit absolument n’importe quoi, et démontre qu’il n’a aucune politique concrète, même la pire, à proposer pour sortir de l’Europe. Le démagogue, bon à brailler des slogans nationalistes, jouer avec la xénophobie et flatter les rejetés nationaux de la crise économique, n’a donc pas l’ombre d’un plan.     

 

Les éditorialistes franchouillards profitent tout de même de l’occasion pour agiter leurs jouets favoris, du FHaine à Méluche, et de vendre du papier et du clic. Une partie de l’extrême gauche, crie victoire y voyant -un peu trop vite- une victoire du peuple sur le système capitaliste, alors que pour les droites dures c’est plutôt la victoire sur le méchant étranger qui mange notre pain depuis que le nationalisme existe, un point de détail de plus dans cette alliance aberrante.

Car Farage et les extrêmes droites ne prôneront jamais une nouvelle forme de répartition des richesses, ils veulent l’ordre ancien et son respect, -point- que rien ne change car c’était mieux avant. La conservation en l’état du système capitaliste n’a rien à craindre de ces agitateurs médiatiques, mais avec eux au pouvoir et quelques boucs émissaires à chasser pour l’asseoir leur garantirait leur éternité immobile chérie.

 

Or ce référendum a bien d’autres interprétations possibles. Est-il le refus de l’Europe du productivisme, des OGM par exemple,  est-il le refus d’une Europe inexistante aux Nations-unies, est-il le refus de l’Europe militaire aux ordres de l’OTAN, est-il le refus de l’Europe laissant se noyer plus de 20 000 réfugiés par an dans la méditerranée fuyant des désordres auxquels elle a peu ou prou contribué,  à tout le moins rien fait pour les éviter, que nenni ! On pourrait multiplier les exemples, ainsi pouvoir se donner une bonne raison de voter oui ou de voter non. Car curieusement, on ne trouve nulle part de trace d’une critique sociale ou progressiste de l’Europe. Celle-ci n’a pas d’autre objet politique que l’économie, ce depuis son acte de naissance. Oui, l’action de l’UE est juste comparable à celle des grandes institutions internationales, comme le FMI ou l’OMC, un fantastique pouvoir de contrainte des peuples, un simple outil de domination préservant un libéralisme devenu le mode de vie de chacun d’entre nous.

 

Les personnels politiques nationaux l’ont souvent revêtue  des habits sociaux, pacificateurs ou universalistes, mais c’étaient pour mieux vendre la conservation d’un système économique foncièrement injuste et inégalitaire. Quelques gadgets ont entretenu l’illusion : Erasmus, la libre circulation intérieure, le coté pratique de la monnaie unique, les lourdes symboliques des guerres mondiales passées …. Les subventions européennes n’avaient pour but que la sainte croissance à n’importe quel prix environnemental ou humain, la politique agricole européenne a eu ainsi des impacts particulièrement destructeurs. Les modernisations des pays comme le Portugal, l’Espagne ou la Grèce, ont bien eu des résultats concrets mais au prix d’un endettement considérable de ces états bien obligés de compléter l’élan initial créé par ses subventions pour matérialiser les équipements. Les avoirs des banques sont aujourd’hui à peu près de la même hauteur que les dettes des États, à qui profite le crime si ce n’est donc à quelques uns.

 

A contrario, les politiques nationaux se plaignaient de l’Europe, si besoin,  en pleurnichant sur une tribune électorale, ou devant les salariés confrontés à un plan de licenciement massif d'une entreprise bénéficiaire, or ils mettaient ce nom "Europe" pour éviter d’assumer leurs propres actes et les effets d’une économie mondialisée aux mains des multinationales, bien plus puissantes financièrement que nombre de petits pays européens. La séduction démagogique de la compétition électorale et le cynisme gestionnaire ont fait le reste.

 

Nous avons une situation compliquée en face de nous, sur laquelle il est difficile d’avoir un point de vue clair, tranché. Du pour, du contre, rien qui ne se décide, tergiversations qui laisse le champ libre aux thématiques du repli identitaire prônées par l’extrême droite d’un coté,  qui nous verraient obligés de soutenir les pro européens comme Hollande de l’autre, alors que sans Europe, il aurait sans doute conduit la même politique économique.

La situation politique de la France ressemblant furieusement à beaucoup d’autres des 27... Ce n’est pas le pacte social européen le problème, puisqu’il n’existe pas. Or c’est bien pour lui que beaucoup votent non à l’Europe actuelle, mais ce n’est pas le sens du vote des Britanniques. Le shaker s’agite alors encore plus, un méga mal de crâne me saisit.

On peut penser que la sortie de la Grande Bretagne va en inspirer d’autres, la Pologne qui vient pourtant d’y entrer, et en profite pleinement mais est dirigée par des clones de Farage. Il existe aussi à l’inverse des volontés contraires, comme l’écosse ou l’Irlande du Nord. Se pose alors la question des États, que je différencie de la question des peuples, car telle qu’elle existe aujourd’hui, l’Union européenne ne peut pas être démocratisée de l’intérieur à cause des traités étatiques, que l’on doit remettre en cause car ils sont la seule construction européenne existante.

Avec une sortie de l’UE, pourront-ils reprendre le budget au niveau national et se permettre de reprendre la main sur la manière d’orienter les aides publiques et de refaire des choix politiques souverains. Oui surement, mais les gouvernements des 27 dans leur ensemble ne feraient-ils pas les mêmes choix. D’ailleurs, la Grande-Bretagne était un partenaire les plus ultra libéraux (Rappelez-vous Miss Maggie, le beau Tony et compagnie…) qui a lutté depuis toujours contre un modèle social européen et est toujours parvenu à ses fins, considérer alors que sa sortie de l’UE serait une bonne opportunité pour les défenseurs d’une autre Europe est donc séduisant pour les Fédéralistes. Mais nous sommes décidément plus dans le début d’une fin qu'à l’aube d’un grand soir (pardon, trop tentant) .

 

L’Europe va devoir marchander la sortie des britanniques qui feront tout pour l’affaiblir encore, or il n’y a pas un pays, sur les 26 restants, qui ait les moyens d’avancer dans la voie d’une autre Union européenne, la force des courants électoraux nationalistes paralysant les progressistes, les élites politiciennes étant trop préoccupées par la conservation de leurs pouvoirs, seuls les bruns avancent.

Le Brexit n’est pas une victoire de la souveraineté démocratique d’un des peuples européens face au pouvoir des multinationales, car tous les peuples sont aujourd’hui dans l’incapacité de redonner la primauté du pouvoir politique sur ce pouvoir économique qui n’a que faire des sujets comme le changement climatique, la réduction des inégalités, la justice sociale, la lutte contre le terrorisme, les réfugiés et les migrations, ou la simple démocratie et l'éducation. Or, les États n’ont aujourd’hui aucune possibilité de dicter leurs conduites aux multinationales.

 

Oui, Google, Monsanto, Unilever ou Total pour n’en citer que quelques unes, en imposent déjà à l’Europe, le lobbying et la corruption ne sont même plus parfois nécessaires, on s’imagine mal un pays seul et isolé y résister mieux, tellement le prix à payer pour son peuple serait démesuré. La seule façon serait de se passer de leurs services payants et coûteux,  pour cela il est déjà trop tard, le coup est parti depuis longtemps, la marchandisation des services publics, la privatisation des biens collectifs, la monétisation des richesses naturelles ont œuvré utilement, pour qu’une simple colère électorale ne puisse plus inverser le cours des choses.

 

Comment faire pour se choisir d’autres armes, pas les vieilles des 19 ou 20ème siècles, celles des marchands de canons ou de lendemains qui chantent se sont toutes révélées être au mieux des escroqueries au pire des dominations comme toutes les autres.  Je vous laisse là-dessus, sans fiche cuisine toute prête pour changer le monde, je me garderai bien de vous embrigader ou de vous manipuler, le Brexit est déjà passé, hé, hé, hé…

 

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25/06/2016
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