Les billets de Joseph

Les billets de Joseph

Nécro spirituelle

    Ah le fumier ! Sous prétexte que je suis stagiaire, le rédac chef m’a ordonné ce matin de préparer un truc pour la nécrologie de Nicolas Sarkozy. Je ne sais pas ce qui lui prend, y a bien le temps, mais l’ambiance « Chirac partout, info nulle part » l’inspire, je crois, ou le conditionne plutôt, comme nous tous. J’ai bien essayé d’y échapper en lui proposant une né...

Beau joueur

    Un soir pluvieux d’une semaine grise en plouquie, il y a de quoi déprimer si la maison est vide, je vous le garantis. Il nous vient alors comme une envie de sortir, on lâche les écrans ou les bouquins, et c’est toujours à ce moment-là que nous nous rappelons que nous habitons le grand vide culturel. Pas envie de rouler, alors on cherche ciné, concert, café, voire même un lieu ouvert à vocation trouble pas trop loin. Et comme souvent, notre seule oasis est le ciné...

Fractures de fatigue

  L'entretien préalable s'éternise un peu, Abeytu s'est imperceptiblement affaissée, sûre d'avoir droit au chômage et d'éviter le dépôt de plainte pour son geste d'humeur, ses seuls objectifs. Mais Youri fait durer, comme à son habitude, il pousse le directeur adjoint de la base logistique dans ses retranchements. Son quart de siècle sent qu'il a un léger avantage sur le demi-siècle assis à son bureau. Le dé...

Les avions de chasse aussi, tombent en panne

Il était de ceux qui arrivent les premiers au travail et en repartent les derniers, comme une sorte de preuve de supériorité sur les autres salariés, peu importait sa fonction ou ce qu’il avait à faire, quitte à s’y ennuyer un peu ou beaucoup pour maintenir l’exigence de la qualité de son image, ce dont tout le monde se foutait.   Il était de ceux qui ne peuvent rouler dans autre chose qu’un SUV ou une allemande de l’...

Come-back

Je me suis réveillé tôt. La petite maison de vacances est silencieuse, le ronflement léger du rez de chaussée ne couvre pas le roulement assourdi des vagues s’écrasant sur la plage, l’omniprésent acouphène atlantique. Le velux entrouvert laisse passer un air étonnamment frais pour ce jour de canicule nationale. L’envie de voir de l’océan me fait quitter le lit.   Pieds nus sur la terrasse avec vue sur un charmant jardinet, je lape mon thé...

Sivens est un non lieu

    Rémi est un non mort, une victime non nommée. Le crime est un non meurtre, non jugé. Une grenade est une non arme, le non de l’État. Le gendarme est non coupable, et non innocent. Sivens est un non lac, le non d’une ZAD. La morgue est une non tombe, non identifiée. Valls, Cazeneuve, Hollande sont non responsables, non atteignables. Une non justice, le nom du pouvoir.   Colère, dégout et rage contre ce dé...

Bonne migration 2018 !

  Je vous souhaite à tous une bonne mise à jour de vos humanités vers cette nouvelle année, qu'elle se passe pour le mieux, pour vous et ceux que vous aimez, chacun ayant droit au bien-être, tout comme ceux que vous détestez, dans le respect de la liberté choisie.   Un formatage en cours pourrait fortement perturber vos données dans les mois qui viennent, prenez garde à ne pas trop lire, regarder et écouter tout ce qui passe prè...

Rot national

    Lundi. Le Directeur des Ressources Humaines termine son intervention, debout, pétri de certitudes, il domine du haut de son pupitre le parterre des salariés anesthésiés, comme à chaque fois par cette réunion d’information trimestrielle. Il s’apprête à conclure, il a beaucoup travaillé cette fin, il y tient, à ses mots vides mais ronflants, la vacuité prétentieuse de son management inutile lui tient lieu de compé...

A Jacques

  Jacques est parti dimanche, nous lui dirons au revoir demain.   Mais voilà que notre peine est bafouée, envahie par la radio, la presse, l'internet et les médias dans un même pas, cadencé par l'audience. La télé, je ne sais pas, il semble qu'il n'y ait plus que des mélenchonistes qui la regardent. L'émotion déborde, s'étale, surjouée et impossiblement unanime, des kilomètres de louanges et de larmes nous empê...

Le cabinet était fermé de l'intérieur

  J'arrive à l’heure, ni en retard, ni en avance. La mairie de cette ville-préfecture est imposante, un hôtel de Ville de Paris en plus petit mais pas plus modeste, tout en ardoises et blanches pierres de taille noircies, il est posé au bout de la rue Thiers (argh !). Impressionné par son faste, j'entre par la grande porte. Je demande poliment le chemin à l’accueil, passe devant la salle des mariages, monte le grand et très large escalier, puis tourne devant la salle des ré...